EDITORIAL


PHILANTHROPIE & ENGAGEMENT
Anne DARDELET, Directrice de la philanthropie et de l’engagement - Edmond de Rothschild
Frédéric BERARD, Responsable de la philanthropie et de l’engagement - Edmond de Rothschild



ASPECTS PATRIMONIAUX & FISCAUX DE LA PHILANTHROPIE
Vincent AUBUCHOU, Directeur de l’ingénierie patrimoniale - Edmond de Rothschild


RENCONTRE AVEC LA FONDATION DE FRANCE
Hervé KNECHT, Président de la région Nord - Fondation de France


RENCONTRE AVEC LA FONDATION DE L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE
Didier PEILLON, Délégué général de la fondation de l’université catholique de Lille


EXPERIENCES PHILANTHROPIQUES : LA PAROLE A NOS CLIENTS


CONCLUSION
Christophe MARTEAU, Gérant - Herest

DOSSIER PHILANTHROPIE



SEPTEMBRE 2021

EDITORIAL


Loin des sujets ô combien évoqués et commentés de l’épidémie et de ses conséquences sur notre quotidien, nous sommes heureux de pouvoir partager avec vous notre premier dossier thématique !

Il y a quelques années, nous commencions à intégrer dans nos réflexions l’investissement socialement responsable, ainsi que les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, challengés par nos clients les plus impliqués.

L’investissement à impact faisant désormais partie de nos critères d’analyse, vous nous avez logiquement encouragés à réfléchir à la philanthropie.

Nous avons ressenti un intérêt croissant de nos clients sur ce sujet et certains nous ont sollicités pour les accompagner dans leur démarche. Cette dernière est avant tout personnelle et relève presque de l’intime. Les causes défendues sont liées à l’histoire de chacun, à sa sensibilité et aux convictions et valeurs qui lui sont propres.

Herest a entrepris, depuis le début de l’année, de monter en compétence. Au travers de la littérature dans un premier temps ; assez rapidement aussi, en multipliant les rencontres et les échanges avec les acteurs de la philanthropie, particuliers ou professionnels.

Notre objectif à terme, est de mieux comprendre et d’intégrer pleinement vos projets de philanthropie à notre démarche patrimoniale globale afin de mieux vous accompagner.

Nous vous proposons au travers d’interviews, le fruit de nos rencontres et échanges afin de vous présenter un premier éclairage. Le sujet est vaste. Nous l’abordons avec beaucoup de modestie.

Nous remercions l’ensemble des acteurs qui ont contribué à la constitution de ce premier dossier : clients, partenaires, et acteurs de la Philanthropie.

Bonne lecture !

PHILANTHROPIE & ENGAGEMENT


Bonjour Anne, Bonjour Frédéric et merci d’avoir répondu à notre invitation pour ce dossier dédié à la philanthropie. Qu’est-ce qui incite vos clients à s’engager et à venir chercher des conseils auprès de vous ?

Frédéric BERARD : Pour beaucoup, s’engager en philanthropie répond à un besoin : celui de donner du sens à un patrimoine, à une réussite. Il y a de nombreuses raisons qui peuvent pousser les entrepreneurs et les familles à s’engager dans cette voie car la philanthropie est un moyen de manifester une vision du monde et des valeurs.

Pour certains, il peut s’agir d’agir sur une cause qui leur tient particulièrement à cœur, ou de donner corps à une tradition familiale. Pour d’autres, la philanthropie est une manière de réunir la famille autour d’un projet concret, d’inclure la nouvelle génération dans les affaires familiales et de lui transmettre un certain nombre de valeurs et de compétences. La philanthropie peut également être un moyen de renforcer son image ou celle de son entreprise, ou encore de bâtir un héritage qui résistera à l’épreuve du temps.

C’est d’ailleurs une profonde conviction d’Edmond de Rothschild que la richesse n’est pas une fin en soi, mais une opportunité de bâtir un avenir plus durable, plus inclusif. La philanthropie fait partie intégrante de l’ADN du Groupe Edmond de Rothschild. Il s’agit d’une tradition familiale, d’un édifice auquel chaque génération a apporté sa pierre depuis le début du XIXe siècle. C’est sur cette base que l’engagement d’Edmond de Rothschild continue à se construire aujourd’hui, principalement dans les domaines de la santé, des arts, de l’entreprenariat à impact ainsi que de l’expertise et du partage de bonnes pratiques en philanthropie.

Nous avons une conviction très forte : partager nos valeurs et nos expériences avec d’autres philanthropes, leurs enfants et leurs familles fait partie intégrante de notre mission de banquiers privés, pour aider chacun à réaliser sa vision avec un maximum d’impact.

Quelles sont les questions à se poser lorsqu’on entame son voyage philanthropique ?

Frédéric BERARD : Il est important de se poser un certain nombre de questions dès le début pour définir précisément ses objectifs et déterminer une stratégie qui permettra de traduire ses aspirations en un plan d’action.

D’abord, il est utile de se demander quelle action philanthropique est susceptible de créer de la valeur à la fois pour la société et pour soi. Les futurs donateurs peuvent approcher cette question d’une des deux manières suivantes : certains y répondent en réfléchissant à leurs propres valeurs et intérêts, et cherchent ensuite des causes leur permettant de les exprimer. D’autres choisissent au contraire d’identifier les besoins sociaux qui leur semblent être les plus pressants, pour déterminer ensuite les actions et organismes susceptibles d’y répondre de manière pertinente. Toutefois, ces deux approches ne sont pas mutuellement exclusives, et de nombreux philanthropes empruntent une voie médiane

Ensuite, il est utile de se demander quel type d’activité philanthropique aura l’effet le plus positif. On parle de « théorie du changement » quand on réfléchit au processus par lequel l’action philanthropique produira un changement positif, et la manière dont l’impact sera mesuré. Cette théorie du changement est donc un outil efficace qui éclairera les choix stratégiques du futur philanthrope, l’aidera à exprimer son approche de manière claire, et à estimer l’impact réel de son action.

Il existe ensuite différentes manières de s’engager et il est important de trouver celle qui nous correspond : quel niveau d’engagement personnel souhaite-t-on prendre, quelles ressources va-t-on engager dans le projet ? Certains donateurs préfèrent garder un rôle discret dans le cadre des projets qu’ils soutiennent, alors que d’autres désirent travailler de manière rapprochée avec les bénéficiaires de leur action. Un donateur peut également choisir d’agir seul, de développer un nouveau projet, alors que d’autres décideront de venir renforcer des initiatives déjà établies et de s’allier à d’autres philanthropes, afin de partager des expériences.

Enfin, la philanthropie suppose un engagement dans la durée et il faut s’interroger sur l’horizon temporel de son action : quel est le niveau d’urgence du besoin auquel je souhaite répondre ? Le problème que je souhaite cibler risque-t-il de perdurer pendant des décennies ? Ces réponses influeront sur le rythme auquel le donateur devra réaliser ses dons pour atteindre ses objectifs.

Comment accompagnez-vous vos clients dans ces réflexions ?

Anne DARDELET : La première étape est de mener avec eux une conversation approfondie sur leurs souhaits d’engagement, pour bien comprendre leurs intentions et les différents paramètres à prendre en compte, et les aider à définir une stratégie cohérente. A partir de là, nous conseillons nos clients sur plusieurs aspects de leur démarche philanthropique.

Tout d’abord, nous les accompagnons dans la réflexion sur la structure à donner à leur engagement, qui peut prendre plusieurs formes : on peut choisir d’agir en direct, de créer un véhicule dédié autonome ou de s’associer à des partenaires. De concert avec nos ingénieurs patrimoniaux, qui interviennent sur les aspects juridiques et fiscaux, nous entrons en dialogue avec nos clients dans le choix d’un véhicule qui corresponde à la fois à leur stratégie philanthropique et à leur situation patrimoniale.

Nous les soutenons également dans la mise en œuvre de leur projet et mobilisons les expertises requises, y compris pour les aider à identifier des projets présentant de fortes garanties d’impact. En cela, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur la grande expérience acquise par les Fondations Edmond de Rothschild.

Nous accompagnons également nos clients qui souhaitent aligner leurs investissements avec leur approche philanthropique pour que leurs investissements et leurs actions philanthropiques travaillent « dans le même sens » : leur portefeuille peut bien sûr exclure certains secteurs, tenir comptes des critères ESG, mais aussi inclure des investissements thématiques à impact.

Enfin, parce que la force du partenariat et la co-construction sont au cœur de notre écosystème, nous tenons aussi à ce que nos clients engagés puissent se rencontrer dans un cadre privilégié autour de projets concrets, des acteurs incontournables du monde de l’impact, et des idées les plus innovantes.

ASPECTS PATRIMONIAUX & FISCAUX DE LA PHILANTHROPIE


Bonjour Vincent, tout d’abord, un grand merci pour votre présence. En tant qu’ingénieur patrimonial chez Edmond de Rothschild (France) quel est votre rôle lorsqu’un client évoque la philanthropie ?

Au sein de la Banque notre équipe d’ingénieurs patrimoniaux intervient aux côtés de l’équipe Philanthropie & Engagement plus spécifiquement sur les aspects patrimoniaux de la démarche philanthropique c’est-à-dire les aspects juridiques et fiscaux.

Un tel projet doit en effet pouvoir être replacé dans le cadre global du patrimoine, et notamment dans sa dimension successorale.

Nous sommes ravis d’intervenir chaque année pour un nombre croissant de familles qui veulent s’engager dans un projet philanthropique, qu’il s’agisse d’une action ponctuelle ou ciblée au travers d’un don auprès d’une organisation, ou d’une réflexion plus structurée qui pourra conduire à la création d’un véhicule dédié.

A ce sujet, lorsque l’on souhaite constituer un véhicule dédié, quelles sont les principales options possibles ?

Nous pouvons évoquer les trois principales structures que nous étudions régulièrement pour le compte de nos clients:
  • la fondation reconnue d’utilité publique,
  • la fondation abritée (ou sous égide),
  • et enfin le fonds de dotation.

La fondation (le véhicule le plus institutionnel)

La fondation est l’acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident de l’affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d’une œuvre d’intérêt général à but non lucratif.

Elle doit obtenir un décret de reconnaissance d’utilité publique (RUP) par le Conseil d’Etat après instruction du ministère de l’intérieur : ceci explique que le délai de constitution peut parfois excéder une année.

Les revenus de la dotation doivent permettre d’assurer le financement de l’objet social de la fondation. En pratique, le Conseil d’Etat exige que la dotation s’élève au moins à 1,5 millions d’euros. Et matière de gouvernance, il faut savoir que l’Etat est systématiquement représenté au sein du conseil d’administration.

La fondation abritée ou sous égide

Il s’agit ici de constituer une fondation sous l’égide d’une fondation reconnue d’utilité publique dite « abritante » (en France, les deux plus importantes par le nombre de fondations abritées en leur sein sont la Fondation de France et l’Institut de France).

Faire héberger sa fondation par une fondation abritante offre plusieurs avantages ; on pourra notamment citer l’appui administratif et juridique au quotidien qui sera assuré par les équipes de la fondation abritante, l’accès à des experts en fonction de l’objet de la fondation, et enfin son réseau afin d’accéder à un nombre important de projets à soutenir selon les thématiques.

Nos équipes sont là pour accompagner ceux de nos clients qui optent pour la solution fondation abritée dans la sélection de la fondation abritante la plus adaptée à leur cahier des charges.

Au plan des inconvénients, sont souvent évoqués les coûts liés à la création d’une telle structure (la fondation abritante facture naturellement des frais pour assurer cet accompagnement technique et administratif).

Mais selon notre expérience, ceux-ci sont dans de nombreux cas assez proches des divers frais auxquels le philanthrope s’expose lorsque qu’il opte pour le fonds de dotation (frais de comptabilité, d’avocats...).

En matière de gouvernance, un représentant de la fondation abritante est systématiquement membre du conseil (ou comité).

Le fonds de dotation (la solution la plus souple)

Pour favoriser les initiatives individuelles en matière de philanthropie, la France s’est dotée en 2008 d’un outil de mécénat innovant et accessible au plus grand nombre : le fonds de dotation.

C’est avant tout sa souplesse qui séduit de nouveaux philanthropes car aucune lourdeur administrative n’entrave leur générosité.

Après avoir identifié la mission d’intérêt général que l’on souhaite soutenir, la première étape est de déterminer les moyens financiers nécessaires à sa mise en œuvre et notamment le montant de la dotation initiale. Bien qu’en principe cette dotation ne soit pas « consomptible » (le fonds utilisant alors les seuls revenus de cette dotation comme source de financement), il est possible de prévoir sa consomptibilité, le capital transmis pouvant alors être consommé.

Depuis 2015 une dotation minimale de 15.000 € est exigée pour lutter contre la création de « coquilles vides ». On organise ensuite le mode de gouvernance : concrètement, il s’agit d’un conseil d’administration composé d’au minimum trois membres.

Une fois les statuts rédigés, une simple déclaration en préfecture accompagnée du dépôt des statuts suffit. Elle donne lieu à une publication au Journal Officiel : c’est la naissance de la personnalité morale du fonds.

Chaque année, seuls ses comptes (bilan et compte de résultats, un commissaire aux comptes devant être nommé lorsque les ressources du fonds excèdent 10.000 €) et un rapport d’activité doivent être établis.
Qu’en est-il des incitations fiscales liées aux dons pour les particuliers ?

Au plan fiscal, l’Etat incite à la générosité au travers de plusieurs avantages fiscaux :

Impôt sur le revenu (IR)

En matière d’impôt sur le revenu, les versements au profit des œuvres ou organismes d’intérêt général ou reconnus d’utilité publique ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant retenu dans la limite de 20 % du revenu imposable. Attention, les revenus imposables pris en compte pour la limite de 20% s’entendent des revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu (excluant ainsi les plus-values ou les revenus de capitaux mobiliers soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU).

La fraction des dons qui n’a pas bénéficié de la réduction d’impôt l’année de leur versement ouvre droit à cet avantage fiscal au titre des cinq années suivantes.

Impôt sur la fortune immobilière (IFI)

Les redevables de l’IFI (résidents ou non) peuvent bénéficier d’une réduction égale à 75% du montant du don. Le montant maximal de la réduction s’élève à 50.000 € (le plafond est atteint pour une donation de 66 666 €). Sont concernés les dons en numéraires mais également les dons en pleine propriété de titres de sociétés admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger. Attention, les dons aux fondations reconnues d’utilité publique sont éligibles à la réduction d’IFI mais pas les dons réalisés au profit de fonds de dotation. Pour le calcul de la réduction d’IFI, les dons pris en compte sont ceux effectués à compter du jour suivant la date limite de dépôt de la déclaration d’IFI au titre de l’année précédant celle de l’imposition et jusqu’à la date limite de dépôt de cette même déclaration au titre de l’année d’imposition.

Exonération de droits de donation ou de succession

Les dons et legs consentis notamment aux fondations reconnues d’utilité publique ou aux fonds de dotation ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, sont totalement exonérés de droit de mutation à titre gratuit.

Quelles sont les stratégies patrimoniales que votre équipe d’ingénierie patrimoniale est amenée à étudier ?

En pratique, il existe trois principales stratégies patrimoniales que nous abordons régulièrement.

La première stratégie est la donation de titres avant cession

Nous accompagnons des entrepreneurs dans la constitution de fonds de dotation ou de fondations (souvent abritées) à l’occasion de la cession de leur entreprise.

Ces transmissions qui bénéficient d’une exonération totale de droits de donation permettent également de gommer la plus-value latente dont les titres sont grevés (et potentiellement, de bénéficier de la réduction d’impôt égale à 66% du montant donné, retenu dans la limite annuelle de 20% du revenu imposable au barème).

Si la constitution de ces véhicules est essentiellement guidée par la volonté de réaliser une œuvre d’intérêt général, elle pourra également répondre au souhait de rassembler une famille et particulièrement les nouvelles générations autour de projets et de valeurs communes, et de donner du sens à cette nouvelle étape.

La donation de l’usufruit temporaire d’un bien

La seconde stratégie est la donation temporaire de l’usufruit d’un bien, mobilier ou immobilier.

Cette donation se fait en général sur des durées assez courtes (mais d’au minimum 3 ans) et peut être renouvelée.

Dans ce cas, l’organisation bénéficiaire pourra disposer pour une durée déterminée de la jouissance d’un bien et de ses revenus. Cette solution confère plusieurs avantages au donateur : celui-ci n’est plus imposable sur les revenus du bien ; et il cesse d’être taxable à l’IFI sur la valeur du bien imposable si la donation porte sur un bien immobilier.

Le legs net de frais et droits

Le dernier outil est le legs net de frais et droits, qui est plus particulièrement utilisé par les philanthropes n’ayant pas d’héritier en ligne directe, mais souhaitant gratifier un proche.

Dans ce cas, il est prévu - par dispositions testamentaires - la délivrance de ce que l’on appelle un legs net de frais et droits.

Le fonds de dotation ou la fondation est fait légataire universel du patrimoine du défunt, à charge d’en reverser une partie à ses héritiers (légataires particuliers), nette de frais et droits de succession.

En synthèse, cette stratégie a pour effet de partager la part revenant théoriquement à l’Etat (les droits de succession), entre l’Etat et l’organisation à but non lucratif, et ce sans diminuer la part revenant aux héritiers.

On flèche ainsi les droits de succession vers une cause donnée.

RENCONTRE AVEC LA FONDATION DE FRANCE


Bonjour Hervé, nous sommes ravis de vous accueillir. Vous êtes le président de la Fondation de France pour la région Nord. Pour commencer, pouvez-vous nous en faire une rapide présentation ?

La mission de la Fondation de France est d’accompagner tous ceux qui veulent agir en faveur de l’intérêt général et ce, quelle que soit la forme de leur engagement (en faisant un don, un legs, en créant une fondation…). Notre objectif est de transformer ces envies d’agir en actions utiles et efficaces pour construire une société plus digne et plus juste. Pour ce faire, la Fondation de France agit de deux façons : à travers ses propres programmes d’intervention et en facilitant l’action, à ce jour, de plus de 900 fondations qu’elle abrite. Elle soutient ainsi plus de 10 000 projets chaque année. La Fondation de France a fait le choix d’une organisation très ancrée dans les territoires pour agir au plus près des besoins. Dans les Hauts de France, La Fondation de France Région Nord c’est une équipe de 4 permanents basée à Tourcoing qui s’appuie sur l’engagement de 35 bénévoles répartis sur tout le territoire. Avec notre réseau de fondations abritées, nous avons soutenu plus de 700 projets en 2020 dans la région.

La Fondation de France semble être un « généraliste » en termes de causes suivies, avez-vous un savoir-faire spécifique sur certains domaines ?

La Fondation de France agit en effet dans tous les domaines de l’intérêt général : aide aux personnes vulnérables, recherche médicale, environnement, culture, éducation... Elle se définit comme la Fondation de toutes les causes, en intervenant en priorité sur les enjeux de notre société pour lesquels il n’existe que peu ou pas encore de solutions. Notre savoir-faire dans chacun des domaines repose avant tout sur notre capacité à mobiliser de façon bénévole les meilleurs compétences et expertises. Cette approche pluridisciplinaire permet d’appréhender les sujets dans toute leur complexité, dans toutes leurs dimensions. Au niveau national, au côté des 200 salariés, ce sont plus de 520 bénévoles qui partagent leur expertise pour définir nos priorités, nos programmes d’actions et sélectionner les initiatives les plus intéressantes et innovantes à accompagner. Pour chaque grande cause, nous disposons d’un expert /animateur /coordinateur chargé de réunir les meilleures expertises nationales, voire internationales, dans son domaine.

Les donateurs souhaitant s’inscrire dans une dynamique régionale peuvent-ils y trouver leur compte ?

La proximité est dans l’ADN de la Fondation de France. Elle caractérise la plupart de nos actions mises en œuvre au plus près du terrain, et nous a amené à nous appuyer sur une présence forte en région et un réseau de bénévoles en prise directe avec les besoins et les acteurs locaux. Notre présence en région nous permet d’accueillir et d’accompagner localement toutes les vocations généreuses, d’être à l’écoute des donateurs et de leur rendre compte des projets soutenus dans la région grâce à leur générosité et leur confiance.

Quelle méthodologie recommanderiez-vous aux personnes souhaitant initier une stratégie de Philanthropie ? Par quoi commencer ? quels véhicules appropriés ?

Il y a quelques questions clés à se poser pour penser sa stratégie : Pourquoi ? (Quels objectifs visés ?) ; Pour Quoi ? (Quelle(s) cause(s) soutenir ? A quelle échelle agir ? Pour quel impact ?) ; Avec qui ? (Quelles parties prenantes ? Quelles attentes ? Quel degré d’implication ?) ; Comment ? (Quelle gouvernance ? Quels moyens consacrés ? Quel véhicule choisir ?)… Chaque stratégie se dessine « sur-mesure » en fonction de ses propres valeurs, de ses capacités, de sa volonté d’engagement. Le choix du véhicule les plus approprié suivra. Les outils existent aujourd’hui pour que chaque philanthrope puisse mener à bien son projet. La Fondation de France met à disposition ses moyens importants et son expertise unique en termes comptable, juridique et fiscale. C’est une vraie sécurité pour nos fondateurs. Notre Fondation s’engage à un suivi personnalisé de chacune des fondations abritées.

Quels sont vos mécènes : des particuliers, des entreprises, l’Etat ?

Indépendante et privée, la Fondation de France agit grâce à la générosité des particuliers et des entreprises. Elle ne reçoit pas de subventions publiques.

En 2020, la Fondation de France a pu compter sur une générosité sans précédent des Français en réponse à l’afflux de demandes de soutien liées à la crise sanitaire. Les envies d’agir n’ont pas été freinées. Au contraire ! Plus de 40 nouvelles fondations abritées ont été créées par des entreprises, des particuliers, des familles. Les entreprises ont été très présentes cette année, tant pour la création de nouvelles fondations qu’en tant que donatrices.

Comment assurez-vous la traçabilité des dons : à la fois en ce qui concerne l’utilisation des capitaux donnés mais aussi la compréhension de la cause financée ?

Un des principes d’intervention de la Fondation de France est la transparence et la traçabilité des dons. Les 530 000 donateurs, les testateurs et les 900 fondateurs peuvent affecter leurs dons à une ou plusieurs causes. La Fondation de France respecte scrupuleusement leurs volontés, met à leur disposition une information détaillée sur les différents médias (site, réseaux sociaux, publications trimestrielles) et rend compte des actions engagées suivies de près par les experts. Notre action s’appuie sur une gestion rigoureuse des fonds issus de la générosité des Français. En plus des contrôles externes (Cour des Comptes) et internes (Commissaire aux comptes) auxquels elle est soumise, la Fondation de France a mis en place un système de gouvernance et de contrôle par des comités indépendants. Depuis 2015, sa gouvernance bénéficie du label IDEAS, Institut de développement de l’éthique et de l’action pour la solidarité. Ce label atteste des bonnes pratiques en matière de gouvernance, gestion financière et suivi de l’efficacité des actions. C’est un gage de sérieux et de confiance pour nos partenaires et donateurs.

RENCONTRE AVEC LA FONDATION DE L’UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LILLE


Bonjour Didier, vous avez accepté de participer à notre dossier dédié à la philanthropie et nous vous en remercions. Pour commencer, pouvez-vous nous en faire une rapide présentation ?

Tout d’abord et c’est exceptionnel, il est utile de préciser que l’université Catholique de Lille a été créée par des entrepreneurs, Philibert Vrau et Camille Féron-Vrau en 1875. Il est toujours bon de le préciser car ils sont à l’image de ces entrepreneurs du nord, très généreux et aussi très impliqués dans le développement du territoire. Aujourd’hui, la catho représente plus de 36 000 étudiants, repartis dans des facultés (au nombre de 5) et des écoles (Edhec, Ieseg, Junia, Icam, Istc…) ; et comme nous avons une faculté de médecine et de maïeutique, nous avons un groupe hospitalier pouvant recevoir plus de 1000 patients et des ehpad accueillant plus de 650 résidents.

Bien que de statut privé associatif, nos établissements d’enseignement supérieur, nos hôpitaux et nos Ephad répondent tous à une mission de service public et de développement du territoire. C’est un élément structurant de notre projet stratégique.

A l’image de nos fondateurs qui étaient nos premiers mécènes, la catho a toujours été soutenue et développée par des donateurs, que ce soient des particuliers, des fondations ou encore des entreprises. Ainsi, la fondation de la Catho (Fondation reconnue d’utilité publique hébergeante) est l’outil voire l’écosystème permettant à tous les donateurs et mécènes d’avoir une collaboration de proximité avec la Catho.

Quels sont les éléments qui ont conduits l’Université à sa création ?

Nos 2 fondateurs, dirigeants des Etablissements Vrau à Lille (fil) ont toujours eu une passion pour le développement des hommes et des entreprises. A l’image du développement et de la croissance de leur entreprise, ils se sont impliqués dans la fondation de la catho et ont permis de créer non seulement l’Université Catholique de Lille mais aussi l’Icam et un hôpital. Leur ambition était de former chaque homme et femme dans toutes ses dimensions « L’Homme et tout l’Homme » ; projet que nous appelons aujourd’hui « l’éducation intégrale ».

A titre plus personnel, quels ont été votre cheminement, votre réflexion ? Avez-vous toujours été intéressé par les sujets philanthropiques ? Comment les avez-vous découverts ?

Après un parcours de 15 ans dans des cabinets de conseils en entreprises, j’ai intégré, en 2003, le Réseau Alliances à Entreprises et Cité pour construire et développer le dispositif de formation et d’accompagnement des entreprises au développement durable et à la RSE. Ensuite, toujours dans une logique de vouloir donner du sens à mon engagement, j’ai intégré la Catho pour développer cette culture du partenariat et de la philanthropie. Et c’est dans ce contexte, que la fondation de la Catho a été créée pour simplifier et coordonner nos engagements et collaborations avec nos mécènes.

Quelles sont aujourd’hui les grandes orientations de la fondation et les grands projets qui y sont associés ?

Comme nous avons souvent l’habitude de le dire, le mécénat est cet espace de liberté qui nous donne l’occasion d’innover et d’entreprendre de nouveaux projets. Ainsi, la fondation finance la solidarité, la santé et l’engagement étudiants, le développement de la recherche (développement durable, les Humanités) et la rénovation du patrimoine (Chapelle de la Catho, La Palais Rameau…). Pour chaque projet, nous construisons une relation de confiance et de sérieux avec tous les mécènes.

Percevez-vous une influence de la culture locale et de l’ancrage régional sur l’approche des donateurs ? Et sur la philosophie de la fondation ?

La région des Hauts de France est reconnue comme un terre de générosité, et souvent fortement associée à sa culture entrepreneuriale. Une générosité souvent liée à une implication humaine mais toujours empreinte de discrétion… Je suis toujours impressionné par cet engouement, cet enthousiasme et cette volonté de contribuer à un monde meilleur de la part de nos mécènes. C’est un état d’esprit dans lequel nous nous retrouvons très largement... Nous sommes dans le FAIRE et non pas dans le DIRE… Dans chaque acte de générosité, s’écrit une histoire et un souvenir particulier entre le donateur et la Catho.

Quelles sont vos sources de financement et qui sont vos mécènes : l’état, les particuliers, les entreprises ?

Au niveau de la fondation, ce sont des particuliers, dans le cadre de dons, de donation temporaire d’usufruit, ou de legs… et ensuite des entreprises… Cet apport de financement privé nous permet ensuite de répondre à des appels à financement public. Nous devons aussi être très innovants, ainsi avec la société Roche Dubar, nous avons lancé le premier placement immobilier solidaire. Une partie des loyers nous reviennent sous forme de dons. Ce projet est à l’image de cette dimension entrepreneuriale et innovante de la région.

Comment assurez-vous la traçabilité des dons, à la fois en termes d’utilisation des capitaux donnés mais aussi de compréhension de la cause financée ?

Cela se décline à plusieurs niveaux: tout d’abord, par le contrôle de nos commissaires aux comptes puis par le suivi de notre outil informatique. Ensuite, notre conseil de surveillance, dans lequel se trouve un représentant du gouvernement veille et contrôle que la fondation utilise correctement les dons réalisés. Enfin et surtout, de façon très régulière, les équipes de la fondation reçoivent nos donateurs pour leur présenter les projets et répondre à toutes leurs questions.

Y-a-t-il un projet en particulier qui vous tient à cœur ou une réussite dont vous êtes particulièrement fier ?

La rénovation de la chapelle Saint-Joseph est un projet qui a duré plus de 7 ans. Celle-ci n’avait jamais connu de travaux de cette ampleur depuis la construction de la Catho. Pendant longtemps, elle fut une salle d’examen dans laquelle de très nombreuses personnes ont gardé des souvenirs plus ou moins bons… nous avons souhaité supprimer cette activité pédagogique pour en faire un lieu destiné uniquement au culte et à la culture. Ce projet impliqua les étudiants pour définir leurs attentes, nécessita le recours à de très nombreux artisans et fut entièrement financé par des particuliers et des entreprises…. Les anecdotes furent nombreuses, notamment la réutilisation du marbre de la façade du siège du CIC pour recouvrir le sol de cette chapelle… Dans cette période difficile pour nos étudiants, ce lieu reprend tout son sens…



Pour finir, si vous aviez un conseil à donner à une personne qui s’interroge, qui souhaiterait donner ou s’investir à titre personnel, quel serait-il ?

La première question à se poser quand on fait un don est celle du sens et de sa motivation. La seconde est sur la structure qui va bénéficier de l’aide. Et ensuite, il est utile de rencontrer les porteurs de projet pour connaitre leur implication et capacités à mener à bien le projet. Enfin, il est très important de se faire plaisir en faisant ce don…